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7 WEEKS “Fade Into Blurred Lines” (France)

7Weeks

Formé en 2006, le combo français 7 WEEKS a d’entrée de jeu pris son destin en main, notamment en s’autoproduisant. Résultèrent de cette démarche pas moins de six albums, trois EPs (dont le copieux et inaugural « B(l)ack Days » de 2007), ainsi que la réédition rare de l’album « Sisyphus » (2020), baptisée « The Sisyphus Complete Recordings » (2021). Outre ce fort méritoire abattage discographique, le groupe n’a eu de cesse de se produire sur scène, arpentant les salles les plus intimes, comme les festivals imposants (Hellfest, Hammer Fest). Forcément, maturité et changements de personnel obligent, le son du groupe a varié au fil des ans, mais les paramètres fondamentaux demeurent identiques aujourd’hui encore. Dès ses premiers pas discographiques, 7 WEEKS faisaient montre d’une personnalité affirmée dans ses compositions et d’une maturité flagrante dans l’interprétation et dans la mise en son.

D’ailleurs, il est significatif qu’aucune catégorisation définitive n’ait pu être définitivement être accolée au répertoire de 7 WEEKS. Particulièrement percutants et puissants, les premiers enregistrements révélèrent une capacité à produire des rythmiques impactantes, tout en développant des rythmes souples, un peu comme les immanquables CLUTCH et MASTODON parvinrent à l’imposer tôt dans leur carrière. Des riffs griffus certes, mais également une riche capacité à produire de la mélodie trouble. Un chant énergique mais clair, constamment modulé et enluminé par des harmonies aussi discrètes qu’essentielles.

Avec « Fade Into Blurred Lines », 7 WEEKS entame une mue – ou, à tout le moins, un pas de côté, l’avenir le dira – en assumant plus qu’à l’accoutumée une mélancolie dévorante – assumée comme Blues -, en parallèle à un éclaircissement net du son général propre au groupe. Souvenez-vous que jamais 7 WEEKS, même dans ses moments les plus intenses, ne fut un groupe strictement massif et unidimensionnel. Il n’y a donc rien d’étonnant à constater ce dépouillement électrique – fort relatif au demeurant -, quand bien même le trio se montre tout à fait capable d’envoyer du bois, comme en témoignent « Blackhole Your Heart », mid-tempo sèchement enlevé, aussi nerveux que lyrique, ainsi que « Wax Doll », très vif et Rock’n’Roll, évoquant un MOTÖRHEAD contaminé par un vice mélodique vénéneux. Hormis ces deux détonations franches, le reste de l’album va se jouer entre de francs contrastes – orages électriques versus chant et guitare clairs, efficacité rythmique versus déambulations de guitare en son clair ou acoustique.
« Gorgo », le titre introductif, livre d’entrée de jeu des indices qui ne trompent pas : introduction subtile, à laquelle succède une implacable explosion rythmique mid-tempo, s’ensuivant un magnifique chassé-croisé entre puissance franche et plages plus sinueuses, la guitare de Gérald Gimenez n’ayant de cesse de débiter du riff impérieux, pour mieux tisser des motifs mélodiques mais acides.

Cela dit, il faut bien admettre que la particularité de cet album réside dans la présence de nombreux morceaux intimistes, aux atmosphères toutes de contrastes, entre dépouillement acoustique, tentations Western et Americana (« Castaway », « Windmills »). En clôture d’album, le merveilleux titre acoustique et dépouillé « Travellers » – fort subtilement rehaussé d’arrangements de claviers tremblants – achève de montrer combien 7 WEEKS assume pleinement son goût pour la sensibilité, son appétence pour une certaine fragilité existentielle. Laquelle n’empêche aucunement le recours à la puissance électrique, pourvu qu’elle s’effectue au service des compositions et de leurs ambiances complexes, plutôt que de tourner qu’à une banale démonstration de puissance.

Cela dit, il faut bien admettre que la particularité de cet album réside dans la présence de nombreux morceaux intimistes, aux atmosphères toutes de contrastes, entre dépouillement acoustique, tentations Western et Americana (« Castaway », « Windmills »). En clôture d’album, le merveilleux titre acoustique et dépouillé « Travellers » – fort subtilement rehaussé d’arrangements de claviers tremblants – achève de montrer combien 7 WEEKS assume pleinement son goût pour la sensibilité, son appétence pour une certaine fragilité existentielle. On a déjà souligné la versatilité fertile du guitariste ; impossible de passer à côté de la performance, fort justement dosée, du chanteur Julien Bernard, par ailleurs bassiste de premier plan, fort justement accordé au jeu fort variable de son compère batteur Jérémy Cantin-Gaucher.
L’expression d’une sensibilité à vif n’empêche aucunement le recours à la puissance électrique, pourvu qu’elle s’effectue au service des compositions et de leurs ambiances complexes, plutôt que de tourner qu’à une banale démonstration de puissance. Terminons en soulignant combien l’expression de sentiments complexes et sombres se réalise ici de manière nuancée, quoique fortement assumée.
Vous voulez d’autres repères, corroborant cet équilibre périlleux autant que fermement assumé ? Je vous en livre quelques-uns, purement subjectifs. Dans les moments les plus roides et immenses, 7 WEEKS m’évoquent la magnificence du KILLING JOKE de « Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions » (1990). La tension entre une mélancolie, proche du désespoir – sans pour autant s’y résigner – et une pulsion vitale, purement Rock, pointe en direction de la fange Grunge la plus connue : SOUNDGARDEN, THE SCREAMING TREES, voire certains aspects de NIRVANA (caution Rock bruitiste, hérité du Punk, mais capables de pépites à la « Something’s On The Way ») et d’ALICE IN CHAINS (ah, ces harmonies vocales, adossées à des rythmiques musculeuses !).

Et si 7 WEEKS était l’un des groupes les plus sous-estimés de la scène hexagonale, avec qui plus est une véritable crédibilité à l’exportation… Et si, à l’occasion de cette diversification si splendidement assumée, il était enfin temps de délivrer une franche reconnaissance à l’égard d’une de nos formations les plus douées…

Alain Lavanne

Date de sortie: 13/10/2023

Label: F2M Planet

Style: Rock

Note: 18/20

Ecoutez ici

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