Après deux albums, hélas trop confidentiellement exposés (« Wolfstrap » en 2020 et « Unconquerable Death » en 2021), INVULTATION obtient aujourd’hui un net surcroît d’exposition (underground, mais tout de même) via sa signature sur le label Sentient Ruin Laboratories. A priori, avec une biographie se référant successivement à BESTIAL WARLUST, ARCHGOAT, ANGELCORPSE, on s’attend à ce que ce troisième album du trio originaire de l’Ohio consiste en un concentré pur et uniforme de rage, de brutalité et de vitesse.
Autant dire que la prédiction s’avère très largement avérée, tant dominent les tempos rapides et les rythmiques saccadées, ainsi que les vocaux caverneux (certes noyés dans le mix). A vrai dire, le terme descriptif le plus approprié quant au style pratiqué par INVULTATION serait celui de Black Death Metal (avec des traces habiles de Thrash)… à condition de bien définir la part respective revenant à chacun de genres invoqués.
Les premières écoutes de cet opus brutal et sulfureux m’évoquent assez franchement les outrances vocales et rythmiques, propres aux franges les plus intransigeantes du Death Metal. On relèvera l’aspect frénétique et blasphématoire caractéristique des débuts de MORBID ANGEL, caractéristiques du premier album officieux « Abominations Of Desolation » (enregistré en 1986, paru officiellement en 1991) et du début classique officiel « Altars Of Madness » (1989). Même précision rythmique, même sens du riff affûté à l’extrême, même goût pour les changements de tempo et de rythme millimétrés, même férocité acérée. Pour le versant crasseux et méphitique, impossible de ne pas évoquer les mânes d’INCANTATION et d’IMMOLATION. Dans les séquences les plus abruptes et frénétiques, comment ne pas penser à un croisement entre TERRORIZER et OBITUARY, entre CANNIBAL CORPSE et DYING FETUS ? En somme, INVULTATION fait converger le meilleur de différentes traditions particulièrement extrêmes, parmi les plus rapides et brutales.
Et pourtant, toujours en matière de références Death Metal, on trouve davantage à creuser sur ce second opus d’INVULTATION. A savoir qu’on ressent profondément une appétence pour un Death Metal pesant, quoique toujours actif, impactant et mobile. A contrario, sur un titre comme « Bloodstained Offering », aussi relativement bref (moins de trois minutes) que totalement frénétique, l’ombre du Grindcore s’invite sur les parties les plus intenses, confirmant amplement l’option boucherie ultime. Outre une véritable discipline quant au découpage rythmique et quant à la gestion des changements de tempo et de rythme, INVULTATION affiche un lien supplémentaire avec la frange la plus extrême du Thrash, à savoir ces solos de guitare hystériques, typiques du style Kerry King chez SLAYER.
Bizarrement, on aurait plus de mal à définir franchement les apports émanant du Black Metal, si ce n’est que le répertoire proposé ici suinte littéralement la haine, la folie, la négation de toute humanité. Toutefois, certains riffs particulièrement âpres et la batterie en mode tachycardie maximale devraient suffire à satisfaire les adeptes du Black le plus expéditif.
Les compositions les plus longues (soit le titre éponyme et « Mark Of The Fang ») recèlent des passages ultra-pesants et lents, lesquels contrastent extrêmement efficacement avec les accélérations et, d’une manière générale, avec l’architecture globale consistant à alterner brusquement tempos frénétiques, plus modérés, occasionnellement plus lents. Sur certains passages, on revient à l’esprit asphyxiant du Death Metal le plus lourd, à la limite du Doom Death originel.
Relevons qu’il est fort rare que, dans un contexte aussi brutal, extrême et agressif, le mixage se montre en capacité d’exposer relativement clairement chaque nuance ou variation dans ces exercices ès brutalité. Certes, rien de décisif ne se décide ici. Pour autant, il convient de saluer l’extrême efficacité du groupe, ainsi que sa capacité à combiner habilement un son sale, une exécution millimétrée et un mixage détaillé.
Vous dire que cet album réinvente et dépasse tous les sous-genres extrêmes évoqués ci-avant serait exagérer. Par contre, je puis vous garantir qu’il les conjugue à la perfection, avec une charge émotionnelle purement négative absolument revigorante et jouissive. Voilà de quoi purger nos pires instincts et nos plus intenses frustrations.
Alain Lavanne
Date de sortie: 18/08/2023
Label: Sentient Ruin Laboritories
Style: Black Death Métal
Note: 17/20
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