Saluons d’entrée de jeu la persévérance des Venezuéliens de STRATUZ, puisque le groupe a connu une première période d’activité s’étalant de 1985 à 2006, avec trois albums à la clé. Après un hiatus long de treize ans, le quartette s’est remis au travail en 2019 et livre son quatrième album, « Osculum Pacis », conceptuellement consacré aux abus au sein de l’Eglise catholique. Mais ce sont surtout les qualités propres au Doom Death Metal du groupe qui retiennent ici notre attention.
Les dix compositions (plus une introduction) présentent certes des gabarits fort raisonnables – entre trois et cinq minutes – mais cela n’empêche pas STRATUZ de faire montre d’une ambition certaine. Du côté de l’épaisseur, faisons confiance à une section rythmique puissamment calée sur une double grosse caisse en mode laminage. Le risque d’un bourrinage stérile est toutefois évité car le tandem rythmique sait se faire nettement plus souple et pondéré quand il le faut. De même, les riffs de guitare résonnent de manière hostile et charbonneuse mais savent contourner la facilité du rouleau-compresseur, certes écrasant mais linéaire.
Certes rauques, caverneux et agressifs, les vocaux de Franklin Berroterán assument leur identité Death Metal, tout en demeurant suffisamment modulés pour demeurer expressifs et dynamiques. Par moments, ils perdent même quelques onces de raucité et de férocité, pour mieux coller aux ambiances de certaines séquences plus subtiles. Cet exercice d’équilibriste entre nuances, brutalité et expressivité mérite indéniablement un éloge particulier et constitue une des poutres maîtresses de l’édifice STRATUZ.
Deux dimensions viennent en effet apporter de saisissants et fort efficaces contrastes à la rudesse du fond de jeu de STRATUZ. D’une part, nous trouvons régulièrement des plages plus apaisées, aux mélodies simples, avec une guitare plus limpide, occasionnellement un chant féminin clair et envoûtant. D’autre part, nous relevons les nombreux arrangements orchestraux : synthés, piano, instruments à cordes, cuivres, chœurs intenses, l’attirail s’avère à la fois multiple et convaincant. Certes, nous ne sommes au niveau d’écriture et d’arrangement d’un SEPTICFLESH, ni dans l’emphase impérieuse d’un FLESHGOD APOCALYPSE. Cela dit, le contraste avec la puissance rêche et basique, en mode Doom ou Death, fonctionne pleinement.
Impossible de clôturer cette chronique sans louanger spécifiquement la qualité des solos prodigués par le guitariste Gerónimo Egea. En la matière, notre sniper choisit ses munitions dans le meilleur de l’arsenal du Heavy Metal des années 80. Chacune de ses interventions cultive le goût de la précision chirurgicale, le souci de la mélodie, l’impact incisif : un véritable récital, jamais démonstratif, toujours au service des compositions. Avec même de fort belles incises acoustiques.
Sans être tout à fait révolutionnaire, « Osculum Pacis » s’avère être un album à la fois rythmiquement direct et puissant, tout en cultivant une riche complexité en matière d’arrangements orchestraux et de solos de guitare. Au bout du compte, le pouvoir d’attraction de cet album ne cesse de s’accroître au fil des écoutes successives. Conséquemment -et respectueusement -, je formule le vœu qu’on n’ait pas à patienter une décennie pour entendre de plus amples développements. Hasta la victoria, siempre !
Alain Lavanne
Date de sortie: 26/04/2022
Label: Sliptrick records
Style: Doom Death Métal
Note: 17/20
Ecoutez ici