Diantre, que l’année 2021 fut fertile en sorties de Black Metal français de haute volée ! Songez aux albums respectifs de SETH, AORLHAC, LES CHANTS DE NIHIL, SOL DRACONI SEPTEM, CORPUS DIQAVOLIS, pour n’en citer que quelques-uns… Et voilà que les vétérans de HEGEMON viennent inscrire leur cinquième album en haut de la pile. Formé dans la seconde moitié de la dernière décennie du siècle précédent, ce groupe occitan a publié ses albums avec une régularité variable ; c’est ainsi que six ans ont passé depuis la publication de « The Hierarch » en 2015. Cela dit, ce délai semble avoir été on ne peut plus profitable, tant « Sidereus Nuncius » impressionne par sa maîtrise, par sa puissance, par la qualité de ses compositions, de ses arrangements et de sa mise en son.
Débutons par ce dernier point et saluons comme il se doit Pat Guiraud et le groupe, qui assurent un impact maximal au Black Metal de HEGEMON, en équilibrant idéalement impact maximal et juste exposition de chaque élément. Les pans les plus crasseux propres au Black Metal s’affichent dans toute la plénitude de leur caractère intrinsèquement repoussant : vocaux âpres et haineux, guitares aux riffs rêches ou dissonants… Sauf que, concernant d’autres éléments, le traitement se fait judicieusement différent de certains critères paupéristes, si typiques de certaines franges BM. Prenons le traitement de la batterie. Là où on doit généralement se contenter d’une caisse claire et de cymbales bien sèches, on déguste le rendu rond et vigoureux de la grosse caisse et des toms. Même les lignes de basse sont plus audibles, et donc plus efficaces, que dans les productions BM basiques.
Ce qui nous amène au style de Black Metal qu’affectionne HEGEMON. Vindicatif et guerrier, il abonde en séquences rapides, qui agressent l’auditeur comme autant de charges brutales. Pour autant, dans ces trépidations, outre la batterie généreuse déjà évoquée, le groupe ne se contente pas des sempiternels riffs en trémolos, mais n’hésite aucunement à riffer de manière tranchante, parfois accrocheuse. Ce qui évoque un cousinage – non pas une analogie – avec le Black Death, au moins dans l’esprit. Le timbre plutôt grave des vocaux abonde également dans ce sens.
Cependant, les structures des huit compositions de « Sidereus Nuncius » recèlent autre chose que des développements lancinants, bloqués sur la vitesse maximale. Quand bien même les durées demeurent fort raisonnables – entre plus de quatre et plus de six minutes -, on relève une volonté systématique de créer des contrastes saisissants. Ainsi, l’introduction lente et majestueuse de « Heimarmene » cède rapidement la place à une vélocité agressive et orchestrale, avant de décélérer en mid-tempo martial ; une séquence plus lente habitée par un chant maladif, mute brièvement en plage Dark Ambient, avant que l’ensemble ne retrouve un tempo plus élevé, la fin du morceau alternant judicieusement riffs très incisifs et découpés et riffs plus indistincts. D’autres compositions se trouvent pourvues d’introductions ou de breaks relativement brefs mais assurément mélodiques : des mélodies de guitare très simples mais efficaces car évocatrices d’un havre paisible constamment démenti par la fureur épique ou la rigueur mid-tempo majoritaires. Afin d’aérer ou de densifier – c’est selon – HEGEMON ponctue cet album d’arrangements discrètement orchestraux qui ajoutent à la profondeur et à l’ampleur de l’ensemble, sans toutefois jamais verser dans les excès pseudo-symphoniques.
Ayant acheté cet album, j’aurais la dent dure si nécessaire. Au lieu de cela, je dois avouer une écoute réitérée, parfois forcenée, qui me conduit à affirmer qu’ici, tout est à sa place, mûrement conçu, interprété et réalisé, sans que le souffle véhément et misanthropique propre au Black Metal soit jamais sacrifié. Magnifique !
Alain Lavanne
Date de sortie: 08/10/2021
Label: Les Acteurs de l’Ombre productions
Style: Black Métal
Note: 18,5/20
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