Apparemment, certains membres des groupes suédois ZONARIA et GUDARS SKYMNING s’ennuyaient ou, au minimum, ne trouvaient pas dans les formations respectives les espaces suffisants pour donner libre cours à leur inspiration. Il faut dire, qu’en l’occurrence, l’inspiration en question se contrefiche des critères habituels, des convenances admises, des genres bien établis. A la rigueur, c’est le chanteur et guitariste Kenny Oswald Dufvenberg qui semble le moins loin de ce qu’il pratique au sein de GUDARS SKYMNING (soit un Heavy Rock rétro 70’s chanté en suédois). Quoi qu’il en soit, il eut été dommage que CAVERN DEEP ne voit pas le jour, tant ce premier album du trio s’avère fascinant !
Pratiquant un Metal lent, lourd et sombre, il n’est pas très étonnant que le projet se trouve catalogué comme relevant du Doom Metal. Cela dit, CAVERN DEEP ne se contente aucunement d’appliquer des formules préétablies, qu’elles relèvent du Doom classique ou du Doom épique. Il faut préciser que ce premier opus constitue un concept album mettant en scène une expédition archéologique découvrant en mode dramatique une antique civilisation souterraine. D’où la nécessité de multiplier les ambiances et de créer une identité commune aux huit compositions. C’est donc en toute liberté que le groupe pioche allègrement dans les héritages des années 70, qu’il s’agisse du Metal, du Prog ou de psychédélisme, multipliant les séquences contrastées, troubles, à l’opposé d’une approche frontale.
Il n’y a qu’à prendre pour exemple « Staring Down », le premier titre qui se caractérise pour une longue introduction paisible, avec une guitare pleine d’écho, avant que la section rythmique n’introduise lourdeur et épaisseur avec tact, le tout se mouvant de manière subtile. Le chant de Dufvenberg s’exerce dans un registre grave, profond, avec une diction très articulée et une approche assez emphatique, rappelant les timbres de Jim Morrison (THE DOORS) et Glenn Danzig, voire sur certains passages le style de Michael Gira de THE SWANS : abyssal et ô combien évocateur !
Sur le reste de l’album, on retrouve cette alternance de passages pondérés presqu’intimistes et de séquences plus appuyées, voire orageuses, avec des riffs telluriques de rigueur appuyés par une basse grondante et une batterie sèche et laconique (qui évite cependant tout monolithisme). On relève par moments des riffs plus tordus, presque Post metal, comme sur « Leap Of Faith »
Le cadre global s’impose de manière impériale et gagne en profondeur et en richesse grâce à une multitude d’arrangements variés : les choeurs terrassants sur l’irrésistible « Waterways », l’orgue d’église au début de « Abandoned Quarters », ces solos de guitares lumineux et posés, ces flottements psychédéliques sur les parties de guitare les plus mélodiques…
Pour agencer de manière équilibrée ces éléments pour le moins divers, on peut compter à la fois sur une prise de son organique et sur un mixage qui équilibre de manière idéale une force granitique et une finesse ciselée. Voilà en tout cas un album qui se termine autrement mieux que le concept qu’il met en musique (suspense !)… Découverte impérative !
Alain Lavanne
Date de sortie: 23/07/2021
Label: Interstellar Smoke Records
Style: Doom Métal psychédélique
Note: 18,5/20
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