Le rapport du Metal avec la musique savante – principalement Baroque et classique – ne date pas d’hier et l’on peut même affirmer que, trop souvent, c’est devenu une source d’embarras, tant cette réappropriation s’avère souvent insuffisamment maîtrisée, avec des résultats caricaturaux et boursouflés. Fort heureusement, certains musiciens possèdent suffisamment de culture et de savoir-faire pour parvenir à composer en tenant compte des spécificités de chaque genre musical. Il en est même certains qui franchissent une étape supplémentaire, à l’instar de Hazard.
Ce chanteur et musicien français a éliminé tout instrument typiquement Metal de son projet, au profit de partitions orchestrales puissamment dramatiques. Quand bien même il n’a pu avoir recours à un orchestre symphonique, il faut reconnaître que ses orchestrations combinent avec finesse et ampleur cordes et cuivres, pour un résultat qui évoque les remous de la musique romantique.
La présence de chant nous fait glisser de l’univers de la symphonie à celui de l’opéra, avec un recours pertinent à deux sopranos et à un ténor.
Quid du lien avec le Metal, objecterez-vous à ce stade ? Les autres voix, qui se situent franchement dans des registres extrêmes. En l’occurrence, Hazard n’a rien laissé au hasard en recourant, outre ses propres prestations lyriques, aux cordes vocales respectives de Göran Setitus, alias Choronzon de SVARGHAST (par ailleurs ex-SETHERIAL), et de Vaerohn de PENSEES NOCTURNES. Pas des gueulards basiques du Black Metal, donc, mais des fondus qui se plaisent dans les outrances malsaines ; lesquelles, étonnamment, se complètent fort bien avec les moments orchestraux les plus intenses. Ecoutez la diction volontairement déréglée en introduction de « Salve Regina » ou bien encore les plus classiques éructations haineuses, typiques du Black Metal.
Le mouvement intitulé « La Comptine » décroche la timbale de la dérision malsaine et assumée, puisque la comptine ici entonnée n’est autre que « Dodo l’enfant do » : vas tenter d’endormir bébé avec cette version dégénérée !
Bien que solidement écrit et arrangé, on sent cependant l’ensemble taraudé, perturbé, vrillé par une approche iconoclaste et dérangée, les pics d’intensité dramatique rappelant les grandes heures d’ELEND. Non seulement Hazard possède des intentions artistiques élaborées, mais il parvient à les concrétiser avec minutie, sans rien renoncer à sa part de folie. Ce « Livre troisième » sonne de manière plus aboutie que ses prédécesseurs « Livre premier » (2017, et 2018 pour la version instrumentale) et « Livre second » (2019).
Alain Lavanne
Date de sortie: 09/04/2021
Style: Opéra extrême
Note: 17/20
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